De gros insectes taxidermisés, épinglés à l’intérieur de boîtes conditionnées, dont on ne sait pas, sauf à être un savant entomologiste, qu’ils sont proprement aberrants. Des dessus de cheminée en biscuit de porcelaine aux motifs d’acariens qui se combattent. La figure des milliers de fois agrandie d’un autre insecte aux allures de sculpture abstraite des années 1950... L’art de Florent Belda ne manque ni de référence, ni de savoir-faire, ni de dérision grinçante. S’il dit de lui qu’il est un « sculpteur animalier », il fait suivre aussitôt cette expression quelque peu surannée du qualificatif de « postmoderne » de sorte qu’il n’y ait aucune ambiguïté possible sur la façon dont il entend se présenter. La vingtaine à mi-parcours, tout fraîchement sorti de l’école des beaux-Arts, Belda s’inscrit d’emblée en marge d’une époque qui a fait feu depuis de longs temps d’une telle terminologie. Non seulement le bizarre, l’étrange et l’incongru résident chez lui dans sa posture mais aussi dans le contenu de son travail.
Si, pour Rimbaud, « Je est un autre », l’Autre, pour Belda, c’est l’Animal, et parce que la sculpture relève par nature de l’altérité, alors sa revendication de « sculpteur animalier » est pleinement pertinente. Mieux : elle est tautologique. Où la démarche de Belda trouve encore sa justification, c’est dans le renversement qu’il opère de nos habitudes perceptives. Quand il ajoute des pattes à un coléoptère, il biaise notre regard sur la vérité de ce que nous regardons ; quand il agrandit l’image d’acariens pour en faire les héros d’une saynète porcelainée, il le déroute et l’inquiète jusque même parfois le rebuter définitivement. Autant de manières qui font de ses œuvres qu’elles nous interpellent et nous interrogent. Sur la nature et la fonction de l’art. Sur notre rapport au visible. Sur ce que nous sommes, aussi.
Ph.P.
2009